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Basile Pallas  : 

L’image revenante : la photographie dans La Deux fois morte de Jules Lermina

Résumé

Dans le récit La Deux fois morte de Jules Lermina (1895), la photographie apparaît comme un modèle implicite mais efficace pour figurer la présence problématique des fantômes. Derrière cette histoire de revenance, Lermina interroge à la fois l’existence de l’au-delà et les conditions matérielles de ses manifestations. En étudiant la référence à la photographie dans le texte, cet article analyse la façon dont l’image devient non seulement la preuve paradoxale de l’invisible, mais aussi celle de son dévoiement dans des simulacres.

Index

Mots-clés : intermédialité , littérature, photographie

Plan

Texte intégral

En quête de nouveautés littéraires, lors d’une promenade sous les « doctes arcades de l’Odéon », Anatole France se réjouit d’y trouver le récent « conte astral » de Jules Lermina (1839-1915), À brûler1, et conseille la lecture de cet excellent conteur « à tous ceux qui aiment l’étrange et le singulier, mais qui veulent que le merveilleux soit fondé sur la science et l’observation ». À la fin du siècle, en effet, le fantastique a évolué, et les récits de Lermina, parmi ceux de « Joséphin Péladan, Léon Hennique, Gilbert-Augustin Thierry, Guy de Maupassant lui-même dans son Horla » en sont les parfaits exemples, tous inspirés par « des esprits tentés par l’occulte », et se situant à mi-chemin entre « le naturalisme brutal et le mysticisme exalté2 ». À la fin du XIXe siècle, le fantastique se naturalise, et les phénomènes étranges gagnent en autorité scientifique : Edmond Picard, dans un texte resté célèbre de 1887, en avait donné la formule théorique : « Un autre fantastique se lève et gagne. Je le nomme : fantastique réel3 ». Edmond Picard rend compte non plus des phénomènes étranges issus des imaginations les plus débridées comme le romantisme avait su en produire, poursuivant sans cesse une inquiétante « chimère4 », mais des accidents imprévisibles et effrayants surgis de la réalité même. Pour qu’ils lui soient rendus accessibles, l’écrivain devra opérer avec la précision du clinicien5 et porter un regard attentif et pénétrant sur la réalité qui, de cette façon, prendra les allures d’un cauchemar. L’acuité visuelle est l’un des prérequis à l’émergence de ce que la réalité recèle d’étrange : « Le monde est plein d’étrangetés. Les yeux vulgaires ne les voient pas, n’ayant que ce dont disposent les yeux vulgaires6 ». Ce n’est qu’au prix de l’acquisition d’un œil intransigeant explorant les moindres recoins de la réalité que celle-ci deviendra poreuse au « bizarre », à « l’effrayant » se manifestant sous la forme problématique de l’apparition.

Si l’on en croit Nadar, c’est en particulier l’invention de la photographie qui, aux yeux des contemporains, aura permis de donner consistance à ces considérations, en articulant très étroitement la pensée occulte aux procédures photographiques. Par son mode opératoire, la photographie permet en effet de saisir et de « matérialis[er] le spectre impalpable qui s’évanouit aussitôt aperçu sans laisser une ombre au cristal du miroir7 ». La capacité de la photographie à fixer durablement les formes les plus fugitives mais aussi à capturer ce que même un miroir ne reflète pas fera de ce médium le lieu privilégié où se manifestent les fantômes :

Rien n’y manquait comme inquiétant : hydroscopie, envoûtement, évocations, apparitions. La nuit, chère aux thaumaturges, régnait seule dans les sombres profondeurs de la chambre noire, lieu d’élection tout indiqué pour le Prince des ténèbres. Il ne fallait qu’un rien vraiment pour de nos filtres faire des philtres8.

En vertu de singulières analogies, la photographie, tout en devenant la preuve paradoxale de l’invisible, fait également émerger un indubitable potentiel poétique dont la littérature du siècle aura tôt fait d’explorer les possibilités.

Ce lien, qui unit étroitement photographie et sorcellerie, photographie et poésie, n’aura pas échappé à Jules Lermina qui le met en œuvre dans quelques-uns de ses récits fantastiques. Cet auteur polygraphe est devenu, dans les années 1880, adepte du spiritisme et l’un de ses plus brillants vulgarisateurs9. Convaincu de l’existence de l’au-delà, selon une logique progressiste à toute épreuve et une foi en la vertu « humanitaire et socialiste10 » de la magie, rêvant ainsi de lendemains meilleurs, il montre aussi une certaine réticence face à certains usages spectaculaires de ces sciences traquant sans relâche des preuves de l’invisible, car, manifesté, celui-ci perd de fait sa nature occulte et son caractère sacré. L’un de ses récits, en particulier, semble mettre à l’épreuve les théories occultistes pour devenir l’espace expérimental où les conditions philosophiques et matérielles de l’apparition de l’invisible trouvent leurs limites. Ce récit, intitulé La Deux fois morte, paru en 189511, propose en effet une interrogation non pas tant sur l’existence de l’au-delà que sur les paradoxes qui président à ses manifestations. De manière originale, c’est la référence à la photographie – à ses images et à sa technique – qui, de manière implicite mais constante, devient le support de telles réflexions. En plus de fournir une illustration parfaite de la pensée analogique et poétique qui caractérise la réception de la photographie selon Nadar, Lermina semble faire de la photographie une métaphore structurante du récit tout entier, lui conférant par là-même une place unique dans le territoire de la « photolittérature12 » du XIXe siècle.

La Deux fois morte est le récit d’un souvenir, raconté par un narrateur, digne représentant de la pensée rationaliste de son époque, celui d’un amour éperdu entre deux jeunes gens, nommés, de manière toute conventionnelle, Paul et Virginie, de la mort prématurée et mystérieuse de celle-ci et des moyens entrepris par le jeune homme pour la rendre à la vie. L’apparition finale de la défunte est rendue possible grâce à l’exercice soutenu de la volonté de Paul par lequel les images mentales parviennent à se matérialiser. Si l’apparition acquiert une crédibilité au sein du récit, c’est parce qu’elle ne fait pas l’objet d’une remise en cause de l’instance narratoriale mais aussi parce que les discours qui l’entourent se fondent sur un mélange de théories spirites accordant foi à l’existence de l’au-delà et de la philosophie de Schopenhauer13, selon laquelle la réalité perçue est le fruit d’une représentation subjective, mais aussi sur une conception particulière des images, faisant de celles-ci des doubles de la réalité.

Les spectres des images

Si le ressort fantastique du récit se fonde sur la possibilité de ressusciter la jeune morte et la découverte progressive du mystère par le narrateur, selon une trame topique qu’avaient empruntée de nombreux récits du siècle14, celui-ci a tendance à s’effacer devant une réflexion plus précise sur les conditions de possibilité de l’apparition de la défunte. Le doute fantastique est ainsi déplacé et ne concerne plus les phénomènes » surnaturels » mais plutôt la manière dont ils doivent se manifester. Cette rationalisation des phénomènes est sensible dans l’exposé que fait Paul au narrateur au chapitre X, juste avant l’apparition de la revenante, au sujet de la possibilité de ressusciter un mort, en l’occurrence, ici, sa femme. L’image de celle-ci, gravée avec précision dans sa mémoire, est pour lui une image qui tient de la réalité :

– Si tu te souviens d’un cheval, tu as devant les yeux la silhouette plus ou moins correcte de l’animal.
– C’est encore exact.
– Eh bien, suppose que tu exerces ta volonté à perfectionner, à accentuer cette silhouette, comme le fait le peintre par exemple. Tu projetteras ton souvenir hors de toi, et tu t’en serviras comme d’un modèle, adéquat, toutes proportions gardées, au modèle vivant qui se placerait devant tes yeux…
– Je ne nie pas…
– Alors admets que tu concentres de plus en plus ton énergie volitive dans le sens de ce perfectionnement, de cette accentuation. Augmente à force de contemplation, augmente ta faculté de restitution mentale, puis extérieure, tu arriveras peu à peu à créer ce que je n’appelle encore que l’illusion de l’existence réelle de la chose souvenue. Mais la vérité, c’est qu’il n’y a pas d’illusion, mais réalité. Cette forme que tu as absorbée par ton attention, que tu possèdes en toi, tu la projettes réellement au-dehors. Entends-tu, elle existe, elle est – voici le mot vrai – la restitution des particules d’infinitésimale matière que tu t’es appropriées en regardant l’objet, en l’aspirant par ton attention, en les emmagasinant en toi. Cette reconstitution est non une illusion, mais une entité existante, elle est15

Cette théorie parie sur la possibilité de donner une forme sensible aux images qui hantent la conscience et justifie, au chapitre suivant, l’apparition de Virginie devant les yeux du narrateur, médusé mais obligé de se rendre à l’évidence. La question est alors de savoir quelle est la nature de ces images capables de dépasser l’illusion et d’accéder au statut de réalité autonome. Il apparaît que ces images ont pour particularité d’entretenir avec la réalité, le « modèle vivant », un rapport direct, non médiatisé. Les objets perçus sont en effet « absorbés » de telle manière que leur matérialité même peut être restituée à l’identique par un effort de volonté. Si, comme on l’a dit, le phénomène décrit est rendu crédible par les théories scientifiques et occultistes relatives à la toute-puissance de l’esprit, il fait également fonds sur l’existence d’images dont la facture se composerait de l’être même des objets qu’elles représentent. Plus précisément, il semblerait que Lermina puise aux sources de la « théorie des spectres » telle qu’elle est racontée par Nadar au sujet de la photographie16 – ou plutôt dans ce qui deviendra, tout au long du siècle, et au-delà, un véritable mythe ontologique de la photographie – pour construire l’argument même de son récit.

Le processus décrit suppose en effet l’existence d’une image mentale qu’un travail de concentration a menée à sa perfection, c’est-à-dire à sa parfaite adéquation avec la forme réelle qu’elle restitue. En tant que telle, il s’agit d’une copie conforme, d’un double dont la nature justifie la dimension ontologique et la confusion qu’elle entraîne entre « réalité » et « illusion ». Avant d’être restituée, reconstituée, la chose observée aura préalablement été « emmagasinée », « absorbée » par un regard. Un œil intransigeant a alors capté les « particules d’infinitésimale matière » de l’objet même : l’image ainsi créée entretient non seulement un rapport d’analogie parfaite, mais plus encore un lien de contiguïté physique avec son référent. Ces images, répertoriées par la sémiologie contemporaine dans la catégorie des indices17, c’est-à-dire des traces ou des empreintes, ont la particularité d’entretenir un rapport direct avec la chose qu’elles représentent, à l’instar des traces de pas laissées dans le sable ou encore les creux laissés par le corps d’un objet dans une roche fossilisée. Et c’est bien comme un indice que s’est définie, très tôt, l’image photographique. En effet, l’indiciarité caractérise le mode de saisie de l’image photographique, la lumière venant techniquement adhérer à la plaque sensible. Ce mode opératoire a forgé, tout au long du XIXe siècle, un imaginaire des spectres dont Balzac serait, pour Nadar, l’un des plus illustres représentants. Les travaux récents s’intéressant à la pragmatique des images ont montré combien les images issues de techniques indiciaires, telles la photographie, par leur nature quasi organique, ont à la fois entériné et actualisé le mythe séculaire de l’image vraie, dont le suaire de Véronique, imprimé de la sueur et du sang de Christ, constitue le plus célèbre exemple, mais aussi contribué à faire de ce type d’images un lieu ambigu où réalité et représentation se confondent18, réalisant un échange parfait entre l’original et sa copie. Il est tout à fait patent que la « réalité » indiscutable du fantôme de Virginie trouve en partie à se justifier dans cette faveur accordée à la photographie – image ayant capturé les « spectres » de la réalité même.

L’image dont parle Paul est donc conçue comme un prélèvement sur nature, comme un enregistrement, ainsi que le confirment les observations du narrateur :

La mémoire persistante des formes, de l’expression graphique des choses, s’accroissait : il semblait aspirer les images extérieures pour les emporter dans le laboratoire de sa pensée et les étudier à loisir19.

La surface visible des choses est collectée pour être ainsi revue dans ce qui s’apparente à un véritable album d’images mentales, que l’esprit pourrait feuilleter à loisir. L’« aspiration » des formes et des aspects de la réalité visible annonce non seulement la possibilité de redonner vie, par l’intermédiaire du souvenir, à une figure disparue, mais elle rappelle également le mode de saisie indiciaire de l’image photographique.

Virginie, objet privilégié du regard de Paul, a été saisie par ses yeux selon ce même mode opératoire : « Mais – et ici, je puis à peine rendre l’idée qui s’impose à moi – en cette sympathisation qui unissait les deux jeunes gens, Paul s’emparait de Virginie, il la conquérait, se l’appropriait20. » Il « la buvait des yeux21 », ainsi que l’apprend le narrateur de la bouche d’un voisin du château « hanté », expliquant ainsi la mystérieuse maladie de la jeune fille, provoquant un dépérissement progressif et prématuré, et accréditant cette théorie des spectres dont la photographie actualise la croyance. Significativement, le vieux domestique de Paul, témoin du drame, compare cette déperdition à l’aspect défraîchi des anciennes photographies :

Bien plus, je dirai qu’elle disparaissait physiquement : oui, quand je la regardais, je me faisais cette idée qu’elle s’effaçait, comme ces photographiques qu’on a laissées au soleil et qui s’en vont22.

L’impression du domestique redit, sur le mode tragique, celle que le narrateur avait lui-même éprouvée lors de la cérémonie du mariage des deux jeunes gens, décrite au chapitre III23, et qui lui faisait percevoir une certaine absorption physique des deux amants :

Sous le faisceau de rais tombant des vitraux, j’eus un instant cette illusion que ces deux êtres – par un effet de synchromatisme ­– se fondaient en un seul. Il y avait en ce moment équilibre entre ces deux créatures qui se donnaient l’une à l’autre avec une mutuelle abnégation du Soi. […]
Au sortir de l’église, je fis mes adieux, et, serrant leurs deux mains qui se mêlaient dans les miennes, je ne pus discerner quelle était celle de l’un ou de l’autre24.

L’impression visuelle du narrateur concrétise l’union des deux amants sur le mode de l’androgynat, faisant de ceux-ci un être parfait, redisant la perfection avec laquelle la jeune fille s’était imprimée sur la rétine et gravée dans le souvenir de Paul. L’aberration optique que provoque la lumière filtrée par les vitraux de l’église rend possible l’union sacrée qui, de ce fait, devient perceptible, bien qu’étant le fruit d’une « illusion » ; la réalité s’en trouve modifiée, le narrateur ne pouvant plus « discerner » les éléments qui ont été ainsi « fondus » ensemble. En revanche, si l’union amoureuse peut être encore vue et comprise par le narrateur sur le mode de la métaphore et du symbole, il ne faut pas oublier que les facultés psychiques de Paul rendent caduques les anciennes croyances, les déplaçant de la fiction à la réalité. Ce passage n’est pas sans conséquences et entache quelque peu cette vision romantique de l’amour que pouvait nourrir le narrateur à l’égard des deux jeunes gens. Le pouvoir « aspirant » des yeux de Paul fait de lui non un simple amoureux dont la femme aimée, selon l’expression consacrée, se noierait dans ses yeux, mais bel et bien un vampire s’appliquant à aspirer la vie de la jeune fille25.

L’analogie entre la mémoire visuelle de Paul et la technique photographique permet à Lermina non seulement de donner consistance à la théorie de son personnage mais aussi de faire de l’apparition du fantôme une image vraie, balayant les doutes rationnels du narrateur. Il s’agit d’une image vraie ou d’une image vivante, celle-ci étant dépositaire des traces résiduelles du corps ayant été objecté. Les nombreuses photographies spirites, donnant la plupart du temps à voir des médiums matérialisant des apparitions venues de l’au-delà, tireront parti de cette réputation, l’image pouvant non seulement prouver l’existence des revenants, mais aussi les donner à voir dans leur immatérielle présence.

Enregistrements et projections : un œil photographique

L’enjeu du récit est le dévoilement d’un mystère que le narrateur, intrigué par le comportement étrange de Paul après la mort de sa femme, devra découvrir. Ce mystère – qui est celui de l’apparition fantomale de la morte provoquée par l’« action volitive » de Paul, trouve sa genèse dans les facultés de mémorisation exceptionnelle de celui-ci, dont le narrateur remarque, dès ses jeunes années, les étonnantes manifestations. Dès le début du récit est interrogée la fiabilité de ces images, ainsi que la légitimité de la croyance qu’elles suscitent. Ces questionnements sont largement étayés par le recours au modèle photographique, et, plus précisément, par la confrontation de deux régimes de visibilité.

L’incipit du récit, en effet, met en présence deux modalités du voir qui se distinguent par l’acuité de la vision et dont la qualité s’accuse dans la tentative de restitution des images mentales. Le narrateur se compare ainsi à Paul dans sa capacité à se souvenir précisément des choses vues :

J’ai toujours eu grand goût pour les sciences naturelles, avant même que l’éducation et les circonstances aient fait de moi le très modeste savant que je suis. Mais je n’ai jamais été doué que d’une mémoire très relative. Ce qui me fait surtout défaut, c’est la mémoire dite visuelle. Par exemple, si je rencontre dans mes excursions de botaniste quelque fleur dont l’éclat ou l’originalité de structure m’enchantent, il m’est presque impossible, une fois dans mon cabinet, de reconstituer en image cérébrale la silhouette ou la couleur qui m’ont ravi tout à l’heure.
Il en allait tout autrement de Paul. S’était-il trouvé avec moi au moment de l’observation, le lendemain et même plusieurs jours après il me suffisait de lui rappeler le moindre détail pour qu’aussitôt, du crayon et du pinceau, il reproduisît avec une étonnante exactitude, en les plus minutieuses particularités, la plante qui avait attitré mon attention. Bien plus, ses yeux, qui devenaient fixes et regardaient droit devant lui comme s’ils eussent percer la muraille pour retrouver le modèle, avaient, dans leur étonnante faculté de vision – rétrospective – visé, reconnu, conservé des accidents de tissus ou de teintes qui m’avaient échappé26.

Au-delà d’une opposition entre les facultés du narrateur et celles de Paul, faisant de celui-ci un cas d’école fascinant pour le narrateur, cette confrontation nous semble rendre compte de l’évolution que subit, au cours du siècle, l’observation de la réalité dans le domaine des sciences. De ce point de vue, le personnage de Paul incarnerait, par rapport au narrateur, un changement important qui survient entre 1840 et 1850 dans l’épistémologie des sciences, selon lequel le sujet observateur devient de moins en moins fiable, laissant sa place aux outils mécaniques d’observation. En cela, la vision de Paul se ferait le relais d’un modèle objectif de l’observation de la réalité. L’objectivité, qui se substitue peu à peu ce que Lorraine Daston et Peter Galison appellent la vérité d’après nature27, c’est-à-dire une retranscription des choses vues s’attachant à révéler les invariants d’une classe d’objets donnée, à chercher la régularité du type – les planches de l’Encyclopédie sont de ce point de vue les parangons de cette méthode – et donc une retranscription dépendante du sujet qui la conçoit, l’exigence d’objectivité annule, au contraire, toute trace de la subjectivité du scientifique afin de livrer, selon ces nouveaux critères d’appréciation, une image qui soit la plus conforme possible avec l’objet observé. Si l’apparition d’instruments d’observation de plus en plus performants au cours du XIXe siècle n’est pas à l’origine de cette exigence d’objectivité, elle y contribue cependant en permettant aux sciences de ne plus se contenter seulement d’imitations de la nature, mais bel et bien de reproductions de celle-ci par l’image. L’imagerie scientifique, donnant à voir les moindres détails des objets observés, ceux que l’œil humain n’avait parfois pas remarqués, acquiert dès lors une valeur de vérité que les dessins d’après nature commencent de perdre. En même temps, la perception de la réalité se modifie, celle-ci s’enrichissant de la précision que les images issues des techniques d’observation mécanique donnent à voir et à reconnaître comme étant la réalité.

Les « facultés de vision » de Paul le placent donc du côté de l’objectivité mécanique, de la reproduction, de la copie : ce que son œil perçoit peut être restitué par sa mémoire de manière identique à l’original. L’acuité extraordinaire de son œil lui permet en outre de décerner ce qui, dans la réalité, reste invisible aux yeux du narrateur, comme les moindres « accidents de tissus ou de teintes » des plantes observées. On comprend dès lors que le monde vu par Paul sera un monde ouvert sur l’invisible, sur ce qu’il recèle au « modeste » observateur.

Mais le caractère extraordinaire de la vision de Paul tient surtout à la faculté d’enregistrement de sa mémoire. Il s’agit d’une faculté de vision « rétrospective », séparée dans le temps de la vue de l’objet. Cela introduit non seulement la thématique de la revenance qui s’exprimera par la figure de la morte vivante, mais aussi le modèle photographique qui conditionne la modalité de vision de Paul. Il est en effet patent que les images mentales que ses souvenirs reproduisent soient caractérisées par leur » étonnante exactitude », par leur capacité à « reproduire » les plus « minutieuses particularités » de la réalité, qualités esthétiques qui sont précisément celles qui sont attendues d’une photographie. La mémoire de Paul fonctionne exactement comme une chambre noire dont l’objectif serait ses yeux, définis de façon récurrente par leur « fixité ». Son regard rejoue l’opération photographique de la prise de vue, les images extérieures venant se fixer durablement sur sa rétine. Paul pourra ainsi les contempler infiniment dans la chambre noire de son cerveau, en vertu de sa « faculté de recommencement28 » : « Je pourrais dire qu’il vivait deux fois chaque jour de sa vie, occupent son lendemain à revivre la veille. Peut-être plus exactement ne vivait-il que la moitié d’une vie, dépensant l’autre à se souvenir29. » Les images mémorielles de Paul se présentent comme des doubles, des copies ou des reproductions de la réalité ainsi enregistrée, telles des photographies qui se projetteraient dans la scène intérieure de la conscience.

Pour que les images emmagasinées acquièrent le statut de la réalité, il est nécessaire qu’elles soient matérialisées, à l’instar des spectres convoqués par un pouvoir médiumnique. La matérialisation de Virginie, qui intervient au chapitre XI, accomplit l’analogie de la mémoire visuelle de Paul et de l’appareil photographique. Ce chapitre décrit en effet une révélation, qui est à la fois la révélation occulte du fantôme et la révélation photographique de l’image gravée dans la mémoire de son mari. L’apparition advient dans le cabinet de Paul, lieu tenu secret depuis la mort de sa femme et dans lequel il s’enferme toutes les nuits. Ce cabinet, plongé dans la plus parfaite obscurité, est à la fois le laboratoire de l’apprenti sorcier et la chambre noire dans laquelle les images mentales peuvent se matérialiser : « Nous étions entrés en pleine obscurité. Au-dehors maintenant, la nuit était profonde ; pas un rayon ne filtrait à travers les épais rideaux30. » L’apparition émerge progressivement, donnant à voir au narrateur les différentes étapes de la révélation, de la forme indécise d’une « buée condensée » à une « précision31 » de plus en plus nette jusqu’à la forme complète. Cette « lueur blanchâtre », « nuage » ou » fumée très ténue d’un cigare32 » qui peu à peu prend forme et qui s’échappe du cœur de Paul (« Elle naissait de son cœur !33 ») évoque les formes fantomales que les médiums semblent faire s’échapper de différentes parties de leur corps et que donnent à voir de très nombreuses photographies spirites contemporaines34 ; Paul devient alors lui-même médium, en communication directe avec l’au-delà. Mais il est aussi, en vertu de ses facultés visuelles, un médium photographique, véritable support sur lequel viennent se fixer les images : cette révélation est autant mystique que photographique, la progressive figuration des formes blanchâtres rappelant le phénomène du développement de l’image dans le bain révélateur.

Il apparaît en effet qu’un lien consubstantiel se fasse jour entre l’opération qui consiste à matérialiser un fantôme et l’opération photographique par laquelle apparaît, sur un médium sensibilisé, un spectre arraché au vivant. De manière intéressante, le chapitre consacré aux matérialisations des médiums et aux tentatives de les photographier dans l’ouvrage didactique La Science occulte, écrit par Lermina en 1890, rendait sensible ce lien unissant fantômes matérialisés et opération photographique :

Les épreuves furent prises par série de trois, à quelques secondes l’une de l’autre, et plusieurs séries furent prises à chaque séance. Les figures produites n’ont pas pour la plupart forme humaine, mais consistent en taches d’ombre, de formes diverses, et qui dans les épreuves successives changent et se développent, jusqu’à présenter un type parfait et complet. Alors une collection de cinq commence par deux taches blanches quelque peu anguleuses au-dessus du poseur du milieu et finit par une incorrecte mais évidente figure de femme, couvrant la plus grande partie de la plaque35.

En vertu d’une étonnante distorsion du langage, la description des épreuves successives, qui correspondent chacune à une étape de la matérialisation du fantôme, établit une confusion entre l’opération médiumnique et l’opération photographique, les deux se surimposant indistinctement. En effet, la progression de cette figuration évoque le processus de la révélation de l’image photographique elle-même, qui se caractérise justement par la formation successive de formes blanches d’abord indéterminées sur la plaque sensible. La confusion naît ici en particulier de l’utilisation du verbe « se développer », qui rend compte à la fois de l’apparition progressive de cette « femme » fantôme et du processus photographique du développement de l’image. De ce point de vue, toute apparition fantomale serait photographique, et c’est sur cette équation que se fonde précisément le récit de Lermina. La photographie y apparaît en filigrane, sans être nommée explicitement. L’analogie apparaît alors au lecteur familier de ces techniques, car l’univers exploité par le récit et le langage particulier qu’il requiert l’évoque de lui-même.

La révélation finale de Virginie, au sens photographique du terme, avait été annoncée plus tôt dans le récit par la scène de la rencontre entre les deux jeunes gens au chapitre II. La jeune fille, postée derrière la grille du jardin de Paul, faite de panneaux de métal est vue par lui :

« Il y a quelqu’un derrière la grille », me dit Paul.
Ceci d’une voix posée, calme, comme s’il eût énoncé le fait le plus simple du monde.
Je tournai la tête, et mes yeux rencontrèrent le soubassement de la grille, plein et large.
« De l’autre côté, fis-je ? On ne peut voir à travers le métal ! »
Mais je ne dis rien de plus, car je m’aperçus alors que d’une giration très lente, la grille tournait sur elle-même.
Paul tenait ses regards dans cette direction, et ses yeux, dont je connaissais si bien les nuances, avaient une étonnante fixité. Enfin l’arrivante – car c’était une petite fille – se révéla tout entière36 […]

Le vocabulaire employé pour décrire l’apparition – « métal », « fixité », « se révéla » – forme une isotopie qui est celle de la technique photographique et constitue cette scène en dispositif présidant à la révélation de l’image sur la plaque sensible.

L’apparition de Virginie au chapitre XI finit de convaincre le narrateur de l’existence de l’au-delà et vient à bout de ses dernières réticences exprimées lors de l’exposé de Paul au sujet de la « réalité » des images intérieures. Pour le narrateur, en effet, si ces images existent bien dans la réalité de la conscience, elles n’ont pas de réalité autonome. Autrement dit, elles sont illusoires et sont des produits de l’imagination, contrairement aux objets réels car, selon lui, « je peux toucher l’une et non l’autre, et ainsi constater l’existence de la réalité37 ». L’enjeu de la scène de révélation sera alors précisément de prouver que l’image matérialisée de Virginie pourra bel et bien être « étreinte38 », confirmant ainsi la réalité de la revenante. Significativement, la consistance du fantôme, et plus généralement des images mentales de Paul, qui, jusqu’au chapitre XI, ne résident qu’à l’état virtuel, nécessitent une substance particulière, qui occupe une place importante au sein du récit :

Il me fit un signe, et je compris qu’il m’appelait : il me désignait un flacon qui se trouvait sur une console. Je le pris et l’ouvris. L’éthylique parfum de l’éther se répandit, et je constatai, à ma grande surprise, que sous les effluves de l’odorante substance l’apparente vitalité du fantôme s’affirmait39.

« L’éthylique parfum » avait, avant la révélation du mystère, suscité de nombreuses interrogations chez le narrateur, le sentant s’échapper du laboratoire de Paul et lui provoquant, durant les nuits, d’inquiétantes visions. Le doute s’était alors installé quant à la sobriété de Paul qui, sous le coup de la douleur du veuvage, aurait pu s’adonner à de telles drogues. L’objet du doute, principal outil du récit pour susciter l’hésitation fantastique traditionnelle quant à la raison du personnage, subit ici un déplacement et devient très ironiquement la preuve incontestable de l’existence des fantômes. Le choix de l’éther est d’autant plus significatif qu’il est un composé chimique servant précisément à la fixation de l’image photographique, après la révélation, devant la rendre pérenne40. La scène de révélation semble bien alors parier sur la possibilité de fixer les images, c’est-à-dire de leur donner une présence matérielle, afin d’en constater la réalité, comme l’indique cette pensée étonnante du narrateur au début du récit, croyant être en proie à une vision que lui aurait communiquée Paul, celle d’un mendiant que le jeune homme avait vu peu avant et dont il avait retenu l’image exacte :

En vérité, pendant un espace de temps qui fut infiniment court – je ne pourrais trouver de terme d’exacte fixation – je vis, oui, je vis à quelques pas de nous le mendiant gibbeux, loqueteux, hirsute, je le vis positivement en sa forme, en sa couleur, apparition et disparition instantanées41.

Là encore, les doubles sens des mots choisis informent le dispositif photographique par lequel la réalité tangible des images est rendue possible.

Le problème de la matérialisation des images étant résolu, tout porte à croire que les théories occultistes de Paul se vérifient : le monde invisible existe, les images en attestent la présence. En se rendant à l’évidence, le narrateur semble devoir accepter l’existence des images vraies, des images ayant valeur de réalité. Il s’agit pour lui, par là-même, de se résoudre à l’univocité du signe ne renvoyant plus qu’à ce qu’il désigne. Selon cette logique, le signe iconique serait exclusivement dénotationnel, ce qui se répercute, significativement, sur toute une conception du langage. En effet, il n’est pas indifférent, dans ce contexte, que le projet de Paul, celui de matérialiser sa défunte femme, trouve sa source dans une interprétation littéraliste de la possibilité de donner corps et forme matérielle à une image préalablement captée. C’est d’ailleurs l’objet du chapitre IV que d’exposer ce projet de Paul, formé après la lecture au premier degré d’un chapitre de la Genèse évoquant la séparation de la forme androgyne originelle et l’avènement de la femme : il s’agit pour lui de « cherch[er] le fait sous le symbole, le sens matériel sous l’énigme ésotérique42 » pour ainsi réaliser et donner vie à la « Forme Idéale43 ». Projetant de mettre fin à la forme originelle parfaite, selon un principe de séparation, le souhait de Paul accomplit aussi, comme le craint le narrateur encore attaché aux pouvoirs des mots, la chute de l’ordre sacré du monde. Dans un tel contexte, en effet, les mots perdent leur charge symbolique et poétique et c’est à leur perte qu’assiste le narrateur en même temps que la révélation : alors que Paul expliquait, au chapitre précédent, les principes de la matérialisation, il précisait que Virginie allait « sortir de [son] cœur44. » Ce qui pouvait passer, aux yeux du narrateur encore incrédule, pour une métaphore, est en fait une stricte traduction de la réalité lors de la séance de révélation : « Et ce fut alors que je compris ce qu’il avait voulu expliquer… Elle naissait de son cœur45 ! » Le jeu d’écho insiste sur le passage du sens métaphorique au sens littéral de la phrase, consacrant de cette façon la perte de l’aura poétique du langage. Le narrateur, d’ailleurs, dès le chapitre III, en avait eu l’intuition, alors que Paul tentait de lui faire comprendre la « réalité » de sa vision mentale de Virginie :

« Comment se peut-il, disait-il en pointant son doigt dans le vide, que vous ne la voyiez pas ? Elle est là ! »
Phrases d’amoureux, c’est possible : mais dès lors un instinct m’avertissait qu’il y avait là autre chose, comme une évocation, à la fois intérieure et extérieure, de l’objet qui remplissait sa pensée et qui, pour lui seul, se matérialisait hors de lui. Je dis – pour lui seul – n’osant pas encore affirmer davantage46.

Alors que le narrateur croit encore à la dimension poétique du langage, les phénomènes dont il sera le témoin feront coïncider, de façon problématique, le signe et le référent – à l’instar du pouvoir d’absorption de la matière même de la réalité dans les yeux de Paul, et de l’imprégnation des formes du visible sur la plaque sensible d’un appareil photographique.

Dégradations du visible

S’il est manifeste que le récit s’achemine vers l’acceptation de l’existence du monde invisible, et en particulier celui des morts, on pourra s’étonner cependant que le narrateur, après le choc de la découverte, fomente dans le dernier chapitre un plan afin de détourner Paul de son rendez-vous quotidien avec sa défunte femme et ainsi, peu à peu, la lui faire oublier. La fin du récit fait donc advenir la seconde « mort » de Virginie pour que Paul puisse réintégrer le monde des vivants et ainsi retrouver la voie de la norme, après que celle-ci eut été violemment ébranlée. Le narrateur, contraint d’accepter la rationalité des phénomènes, finit tout de même par s’en détourner :

J’avais tué en moi l’excessive curiosité, même le désir de soulever le voile qui recouvrait encore la genèse du mystère. Je savais qu’un jour viendrait où mes études, logiquement suivies, me conduiraient à la solution du problème.
Le but second était plus malaisé à atteindre. On l’a deviné, je voulais guérir mon ami, je voulais l’arracher à l’au-delà – à ses illusions – oui, illusions, puisque c’était lui et lui seul qui donnait la vie à une apparence, à une coque vide, je voulais le ramener en la réalité47.

Cette décision du narrateur, véritable coup de théâtre dans l’intrigue, doit se comprendre de plusieurs façons. Elle laisse tout d’abord entendre que l’expérience mystique, bien que menée à son terme, a échoué, puisqu’elle n’a été, finalement, que l’objet du désir égoïste de Paul, mais aussi du narrateur qui avoue, dès le chapitre I, avoir été guidé par une « influence presque fascinatrice48 » : l’enjeu de l’expérience occulte, si bien définie dans La Science occulte comme accès universel à l’infini et à la transcendance, se fourvoie ici dans un usage personnel. « L’excessive curiosité », le « désir de soulever le voile » du narrateur contreviennent parfaitement à l’état d’esprit dans lequel doit se trouver celui qui s’aventure sur ces terres inconnues. Dans son ouvrage théorique, Lermina mentionne les recommandations de la doctrine théosophique quant aux dangers qui planent au-dessus de l’occultiste, et qui sont précisément ceux du désir et de la passion égoïstes, empêchant tout accès à la transcendance : « Il faut tuer en soi le désir, la passion49. » Et c’est bien ce manquement à la règle qu’illustre le récit de La Deux fois morte, dont le sous-titre, Magie passionnelle, dévoie celui de l’ouvrage théorique, Magie pratique. Le doute lié au surnaturel subit donc un déplacement de son existence à son usage.

D’autre part, ce déplacement de point de vue entraîne un autre problème de taille, lié à la nature des phénomènes rendus visibles par l’action douteuse de Paul. Les apparitions de la morte, qui se succèdent à partir du chapitre XI, admises dans leur réalité tangible, sont néanmoins renvoyées par le narrateur à leur nature d’« illusion », d’« apparence », de « coque vide », autrement dit de mensonge. La contradiction vient du fait que si le surnaturel peut se manifester, sa matérialisation sous forme concrète lui retire inévitablement sa dimension occulte. Plus encore, si l’apparition est due à la seule volonté de Paul, comme l’indique le narrateur, elle perd, par l’entremise du médium, son authenticité. Si la forme qui se figure tous les soirs dans le laboratoire de Paul est bien tangible, elle ne peut être qu’une image, reproduisant par sa volonté une réalité qui a depuis longtemps disparu. L’apparition devient alors une icône, figurant Virginie mais ne pouvant la remplacer – contrairement à ce que croit Paul qui lui voue de ce fait un culte idolâtre et délétère.

Le procès intenté est ainsi celui des images qui prétendent mettre directement en présence de l’invisible : l’invisible, dès lors qu’il trouve à se figurer par un médium, est soupçonné de masquer frauduleusement une irrévocable absence. Les réticences du narrateur doivent de fait se comprendre comme une tentative de rappeler les lois qui régissent la dimension arbitraire du signe et l’écart irréductible qui se creuse entre la réalité et sa représentation. Contrairement à ce que voudrait croire Paul, la Virginie revenue n’est pas la Virginie authentique : elle en est la reproduction, l’avatar dégradé, l’apparence superficielle. De ce point de vue, il n’est pas indifférent que Virginie n’ait cessé d’être caractérisée par le narrateur, de son vivant, par son évanescence : « Nous l’appelions petite Mab, tant sa gracilité, son aériformité – si je puis employer si grand mot pour une si petite personne – rappelait la fée écossaise, née d’un rayon de lune50. » Personnage poétique, tout droit sortie des féeries, elle est par là même insaisissable, et plus encore indicible dans son essence même, les mots ne parvenant pas à en rendre compte : le personnage de Virginie semble devoir rappeler que les signes sont arbitraires, et donc que la réalité ne peut y être inféodée. L’action de Paul sur Virginie donnerait alors la mort à cette vérité qui est celle du signe, en lui imposant une référence concrète, une seconde nature, dégradée parce que matérielle. De fée éthérée elle devient une forme blanchâtre, palpable par l’action chimique de l’éther. Elle apparaît donc comme un artefact dont la réalité ne peut être que matérielle : elle est une apparence probante, mais trompeuse. Le devenir-image de Virginie est donc fatal à sa nature propre ; reproduite et projetée, elle perd sa profondeur poétique, ou encore, pour reprendre une expression de Baudelaire, ce « mystère singulier qui ne se touche pas avec les doigts51 ». Aussi, en tant que reproduction, elle perd irrémédiablement son authenticité, son aura, c’est-à-dire « tout ce qui, selon Benjamin, échappe à la reproduction – et bien entendu pas seulement à la reproduction technique52. » Plus encore, n’ayant d’existence que matérielle, la reproduction est elle-même en proie à la dégradation comme le montre la progressive détérioration des apparitions à mesure que Paul, sous l’influence du narrateur, s’en distrait : « J’assistais rarement à cette évocation, toujours semblable à elle-même, avec seulement une moindre précision53. »

Ce dont le narrateur prend conscience, en vertu d’une seconde révélation, c’est que l’existence matérielle d’une image parfaite ne garantit pas son authenticité ontologique et qu’elle perturbe, pour celui qui lui voue un culte, l’ordre du réel. La transcendance qu’elle suppose est dégradée, dévoyée dans des représentations mensongères. La réflexion porte alors sur le statut de ces images qui se caractérisent par leur force de conviction, la photographie apparaissant comme le modèle le plus adéquat à en rendre compte. Virginie, telle qu’elle se matérialise, ne peut être qu’un simulacre et, pour celui qui en maîtrise les codes, non une image vraie, mais une vraie image. Cela, le texte l’exprime subtilement par diverses notations référant aux caractéristiques matérielles des images, opérant ainsi un déplacement de ce qu’elles figurent à ce qu’elles sont : des objets périssables. En effet sont précisées à plusieurs reprises les conditions techniques de leur existence, avec les mentions de l’éther comme fixateur, du processus de développement et de révélation ou encore la référence cryptique à cet autre élément chimique qui compose la préparation des plaques sensibles, le mercure, mentionné sous l’ancienne appellation de vif-argent lors de la première apparition de Virginie derrière le portail du jardin, sous un ciel nimbé « d’une buée blanche, avec de vifs piquetages d’argent54. » Ces mentions dénoncent ainsi la part de fabrication contenue dans l’image, mais aussi ses supports, plaque de métal et chambre noire, ce qui la relègue au rang d’objet matériel. En tant que telle, l’image subit différentes dégradations : la perte de précision, on l’a vu, mais aussi les assauts du temps, ainsi que le rappelle la comparaison de Virginie à « ces photographies qu’on a laissées au soleil et qui s’en vont55. » C’est encore le caractère photographique du paysage entourant le château de Paul qui accuse la matérialité des images qui s’y produisent : « entre mes paupières mi-closes passait la lande mate et grise où parfois éclatait le reflet d’acier d’une mare, cinglée d’une lame56 » ou celui du profil des murs du château que le narrateur aperçoit en arrivant : « Cette forme s’enveloppait d’une buée claire, irisée, qui estompait les contours et atténuait les angles57. » L’irisation est l’une des aberrations optiques de l’image photographique, atteinte de légères déformations et d’une coloration reconnaissables à ses bords, provoquées par la courbure des lentilles optiques. Le narrateur, ainsi, ne croit pas si bien dire en pensant que le domestique de Paul a « subi la contagion du détraquement ambiant58 » : la machine mise en place jusqu’ici s’avère être une machine détraquée.

Ces différentes stratégies de rappel de la matérialité de l’image photographique rendent compte non seulement de l’impossibilité, pour une image, quelle qu’elle soit, de tenir lieu de réalité, mais également du fait qu’à trop tenter d’évacuer la dimension symbolique et poétique du monde, dans un oubli mortifère de la secondarité du signe, le risque est grand de confisquer aux images ce qu’elles figurent, et de se heurter ainsi à leur matérialité propre : en niant l’arbitraire du signe, celui-ci ne finit plus qu’à renvoyer à lui-même, lui empêchant de dire quoi que ce soit de la réalité. C’est, par là-même, l’écriture elle-même qui est interrogée dans sa capacité à évoquer la réalité. Tout comme l’image, le langage est frappé d’inanité à partir du moment où sa dimension poétique est niée, dans une logique qui est celle de la littéralisation systématique des métaphores, ces « phrases d’amoureux59 » dont Paul tente à tout prix de démontrer la réalité (« elle va sortir de mon cœur60 ! »). C’est ainsi que l’on comprendra les fréquentes réticences du narrateur à exprimer ce dont il est témoin (« Oserais-je tout avouer61 ? »), et les nombreuses prétéritions qui émaillent son discours : confrontés à une logique qui est celle de la preuve par l’image, les mots perdent leurs sens. On comprendra aussi que, de ce point de vue, le langage volontairement désuet utilisé par Lermina, ainsi que le recours important à un intertexte renvoyant au corpus de la littérature fantastique, celle de Poe en particulier62, accusent l’écart qui se creusent entre la réalité et sa représentation – les références fictives du narrateur se déplaçant dans un univers qui en admet désormais les invraisemblances, mais faisant de cet univers, en retour, le pays de la littérature.

Conclusion

Dans La Deux fois morte, Lermina donne à penser le sens même de la réalité dès lors qu’elle est investie d’une dimension occulte rendue à une visibilité matérielle : l’au-delà, nouveau sacré, semble se dévoyer dans des représentations, si ce n’est trompeuses, du moins contradictoires avec sa nature essentiellement secrète, occulte. D’autre part, celui qui se fait le témoin de l’invisible court le risque, dans une logique qui est celle de la croyance, de nourrir pour l’au-delà un culte idolâtre et profane qui lui ferait perdre tout discernement face au sens de la réalité : il serait condamné à vivre au milieu d’illusions, dans un monde aberrant, façonné par les apparences. Le surnaturel semble prendre une nouvelle vigueur en vertu des théories scientifiques selon lesquelles les phénomènes étranges sont rationalisés, mais semblent cependant susciter une certaine réticence quant à leur authenticité. Si les apparitions, en effet, se multiplient et imposent aux personnages leur force d’évidence, elles ne semblent pas devoir échapper aux médiations trompeuses auxquelles elles doivent leur énigmatique présence. De manière originale, cette ambiguïté sur laquelle se fonde le récit est portée par l’utilisation métaphorique qui est fait de la photographie : l’image photographique, traditionnellement perçue comme moyen d’authentifier la réalité, est également soupçonnée d’en donner une version frauduleuse et dégradée. Preuve paradoxale de l’invisible, la photographie est également le médium privilégié des simulacres et le symptôme des dangers de la représentation. En rendant à la photographie, de façon radicale, sa nature de vraie image, le texte dit avec force que si cette image fascinante est un miroir, elle est un miroir sur lequel est inscrit l’infini des projections du regard. Elle est la seule image revenante du récit, la seule capable d’imposer sa référence au texte qui s’en fait l’écho poétique.

De manière emblématique, dans une nouvelle de 1888, intitulée La Porte63, Lermina avait mis en lumière cette ambiguïté née du désir de faire des images les supports de ses propres fantasmes, à travers le récit d’un personnage voyant, durant une nuit cauchemardesque, la porte de sa chambre s’ouvrir lentement, et échafaudant à son sujet les plus fantastiques hypothèses. Mais le cadre de la porte n’est qu’« un trou, haut, étroit, s’élargissant sans gagner en hauteur, et montrant noire et inhabitée, une profondeur d’encre64 ». L’attente angoissée est alors déçue par le néant de l’apparition :

Du trou ténébreux, ouvert maintenant dans toute sa largeur, rien ne saillissait, pas une silhouette, pas une ligne, pas un point : ce rien était un tel abîme qu’en dardant son regard il savait que jamais, jamais il n’en atteindrait le fond… le fond de rien65 !

L’évocation est ici mise en défaut de donner à voir quoi que ce soit d’effrayant, dont l’impossible figuration s’exprime négativement, par un retour à la matérialité même de ce qui devrait la faire naître, les « lignes » et les « points » de l’écriture qui, se noyant dans « l’encre » la plus noire, creusent un « abîme » – écran ou réceptacle de virtuelles projections nées du néant.

Notes de bas de page numériques

1 Jules Lermina, À brûler, in Histoires incroyables, Paris, Georges Carré, 1889 ; rééd. Nathalie Prince, Petit musée des horreurs, nouvelles fantastiques, cruelles et macabres, Paris, Robert Laffont, 2008, « Bouquins », pp. 209-258.

2 Anatole France, La Vie littéraire, Paris, Calmann-Lévy, 3e série, s.d., pp. 264-265.

3 Edmond Picard, « Le Fantastique réel », Le Juré, Bruxelles, Vve Monnom, 1887 ; rééd. Nathalie Prince, Petit musée des horreurs, Paris, Robert Laffont, 2008, « Bouquins », p. 1022.

4 Edmond Picard, « Le Fantastique réel », Le Juré, Bruxelles, Vve Monnom, 1887 ; rééd. Nathalie Prince, Petit musée des horreurs, Paris, Robert Laffont, 2008, « Bouquins », p. 1021.

5 Sur la dimension « clinique » du fantastique réel, on consultera les travaux de Bertrand Marquer, notamment Naissance du fantastique clinique. La crise de l’analyse dans la littérature fin-de-siècle, Paris, Hermann, 2014, « Savoir lettres ».

6 Edmond Picard, « Le Fantastique réel », Le Juré, Bruxelles, Vve Monnom, 1887 ; rééd. Nathalie Prince, Petit musée des horreurs, Paris, Robert Laffont, 2008, « Bouquins », p. 1022.

7 Félix Nadar, Quand j’étais photographie, Paris, Flammarion, 1900 ; rééd. Garches, À Propos, 2017, p. 37.

8 Félix Nadar, Quand j’étais photographe, Paris, Flammarion, 1900 ; rééd. Garches, À Propos, 2017, p. 37.

9 À partir de 1880, Lermina s’intéresse de plus en plus aux sciences occultes et se rapproche des cercles spirites. Il publie des articles théoriques et des fictions dans des revues spécialisées comme L’Initiation et Le Voile d’Isis créées par Papus en 1888 et 1890. En 1890, il publie un ouvrage didactique très complet sur le spiritisme intitulé La Science occulte. Magie pratique chez l’éditeur E. Khol. Sur les relations de Lermina et du spiritisme, voir Jérôme Solal, « Laminer l’impossible : Lermina occultiste », Le Rocambole, « Jules Lermina », n° 43/44, 2008, pp. 185-198.

10 Jules Lermina, La Science occulte. Magie pratique, Paris, E. Khol, 1890, p. 17.

11 Jules Lermina, La Deux fois morte. Magie passionnelle, Paris, Chamuel, 1895 ; rééd. Paris, Mille et une nuits, notes et postface de Jérôme Solal, 2003, « La Petite collection » ; Nathalie Prince, Petit musée des horreurs, Paris, Robert Laffont, 2008, « Bouquins », pp. 679-716. Pour la pagination, nous renvoyons à l’édition de 2003.

12 Ce terme, désormais adopté par la critique pour désigner l’ensemble des productions faisant interagir, d’une manière ou d’une autre, la littérature et la photographie, est dû à Charles Grivel. Voir Charles Grivel, « Photolittérature », Revue des sciences humaines, n °210, 1988 ; Jean-Pierre Montier, « De la photolittérature », in Jean-Pierre Montier (dir.), Transactions photolittéraires, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015, « Interférences », pp. 11-61.

13 La philosophie de Schopenhauer, que l’on résume un peu rapidement par « Le monde est ma représentation » a profondément marqué la pensée de la fin du XIXe siècle. Rémy de Gourmont, dans la préface au Livre des masques écrit par exemple : « Nous ne connaissons que des phénomènes, nous ne raisonnons que sur des apparences ; toute vérité en soi nous échappe ; l’essence est inattaquable. C’est ce que Schopenhauer a vulgarisé sous cette formule si simple et si claire : ˝Le monde est ma représentation˝. Je ne vois pas ce qui est ; ce qui est, c’est ce que je vois. » Voir Rémy de Gourmont, Le Livre des masques, Paris, Mercure de France, 1896, pp. 11-12.

14 Sur le motif du retour de la morte-vivante dans la littérature du XIXe siècle, voir Jean Rousset, « De l’invisible au visible : la morte-vivante », in Stéphane Michaud (dir.), Du visible à l’invisible. Pour Max Milner, t. I, « Mettre en images, donner en spectacle », Paris, José Corti, 1988, pp. 155-163.

15 Jules Lermina, La Deux fois morte, Paris, Mille et une nuits, 2003, « La Petite collection », pp. 68-69.

16 « Donc, selon Balzac, chaque corps dans la nature se trouve composé de séries de spectres, en couches superposées à l’infini, foliacées en pellicules infinitésimales, dans tous les sens où l’optique perçoit ce corps. L’homme à jamais ne pouvant créer – c’est-à-dire d’une apparition, de l’impalpable, constituer une chose solide, ou de rien faire une chose –, chaque opération daguerrienne venait donc surprendre, détachait et retenait en se l’appliquant une des couches du corps objecté. De là pour ledit corps, et à chaque opération renouvelée, perte évidente d’un de ses spectres, c’est-à-dire d’une part de son essence constitutive. » Félix Nadar, « Balzac et le daguerréotype », Quand j’étais photographe, Paris, Flammarion, 1900 ; rééd. Garches, À Propos, 2017, p. 38.

17 Voir notamment Charles Sander Peirce, Écrits sur le signe, rassemblés, traduits et présentés par G. Deledalle, Paris, Le Seuil, 1978, p. 151.

18 Voir en particulier Hans Belting, La Vraie image [Das echte Bild, 2005], trad. fr. J. Torrent, Paris, Gallimard, 2007, « Le Temps des images » ; Horst Bredekamp, Théorie de l’acte d’image [Theorie des Bildakts, 2010], trad. fr. F. Joly, Y. Sintomer, Paris, La Découverte, 2015, « Politique et sociétés » ; Daniel Grojnowski, Photographie et croyance, Paris, La Différence, 2012, « Essais ».

19 Jules Lermina, La Deux fois morte, Paris, Mille et une nuits, 2003, « La Petite collection », p. 15. Nous soulignons.

20 Jules Lermina, La Deux fois morte, Paris, Mille et une nuits, 2003, « La Petite collection », p. 15.

21 Jules Lermina, La Deux fois morte, Paris, Mille et une nuits, 2003, « La Petite collection », p. 26.

22 Jules Lermina, La Deux fois morte, Paris, Mille et une nuits, 2003, « La Petite collection », p. 38.

23 L’édition de Jérôme Solal oublie de préciser le passage du chapitre II au chapitre III en ne l’indiquant pas dans le corps du texte. De la même façon, il est à préciser que le passage brutal du chapitre VIII au chapitre X (p. 61) s’explique par une erreur de chapitrage de l’édition originale de 1895, qui n’indique aucun chapitre IX. L’édition du texte par Nathalie Prince, dans son anthologie, rétablit quant à elle le bon ordre des chapitres, le récit en comptant désormais treize au lieu de douze.

24 Jules Lermina, La Deux fois morte, Paris, Mille et une nuits, 2003, « La Petite collection », pp. 16-17.

25 De ce point de vue, la scène de révélation faisant apparaître Virginie ressuscitée accomplit la séparation de l’androgyne et constitue donc l’envers maléfique de la scène du mariage. On comprend rétrospectivement que les motivations de Paul ne sont pas celles d’un amour romantique. Il agit bien plutôt selon une logique qui est celle de la possession égoïste. Dès lors, l’amour idyllique qu’impliquait le choix du narrateur de nommer les jeunes gens Paul et Virginie, en référence au roman de Bernardin de Saint-Pierre (1788), change de nature. Les prénoms renverraient alors bien plutôt aux personnages du conte cruel de Villiers, « Virginie et Paul » (1883) mettant en scène un amour cynique et dégradé par l’argent et la possession. Voir Auguste Villiers de l’Isle-Adam, « Virginie et Paul », Contes cruels, in Œuvres complètes, t. I, éd. P.G. Castex, A. Raitt, Paris, Gallimard, 1986, « Bibliothèque de la Pléiade », pp. 603-606.

26 Jules Lermina, La Deux fois morte, Paris, Mille et une nuits, 2003, « La Petite collection », p. 8.

27 Sur ce concept scientifique et les bouleversements qu’il a entraînés dans les sciences du XIXe siècle, voir Lorraine Daston, Peter Galison, Objectivité [Objectivity, 2007], trad. fr. H. Quiniou, S. Renault, Dijon, Les Presses du Réel, 2012.

28 Jules Lermina, La Deux fois morte, Paris, Mille et une nuits, 2003, « La Petite collection », p. 9.

29 Jules Lermina, La Deux fois morte, Paris, Mille et une nuits, 2003, « La Petite collection », p. 9.

30 Jules Lermina, La Deux fois morte, Paris, Mille et une nuits, 2003, « La Petite collection », p. 71.

31 Jules Lermina, La Deux fois morte, Paris, Mille et une nuits, 2003, « La Petite collection », p. 72.

32 Jules Lermina, La Deux fois morte, Paris, Mille et une nuits, 2003, « La Petite collection », p. 72.

33 Jules Lermina, La Deux fois morte, Paris, Mille et une nuits, 2003, « La Petite collection », p. 73.

34 Voir Clément Chéroux, Andreas Fischer, Pierre Apraxine, Denis Canguilhem, Sophie Schmit (dir.), Le Troisième œil. La photographie et l’occulte, Paris, Gallimard, 2004, et en particulier le chapitre « La Photographie des médiums », pp. 171-271.

35 Jules Lermina, La Science occulte. Magie pratique, Paris, E. Kohl, 1890, p. 64.

36 Jules Lermina, La Deux fois morte, Paris, Mille et une nuits, 2003, « La Petite collection », p. 13.

37 Jules Lermina, La Deux fois morte, Paris, Mille et une nuits, 2003, « La Petite collection », p. 69.

38 Jules Lermina, La Deux fois morte, Paris, Mille et une nuits, 2003, « La Petite collection », p. 74.

39 Jules Lermina, La Deux fois morte, Paris, Mille et une nuits, 2003, « La Petite collection », p. 74.

40 L’éther entre dans la composition du collodion et permet notamment aux images de se révéler plus intensément : « On obtient des épreuves bien plus intenses, écrit un chroniqueur du journal spécialisé La Lumière, quand on ajoute un peu d’alcool ou d’éther à la solution aqueuse du sel d’argent. », La Lumière, 4 décembre 1858, n° 49, p. 195.

41 Jules Lermina, La Deux fois morte, Paris, Mille et une nuits, 2003, « La Petite collection », p. 10.

42 Jules Lermina, La Deux fois morte, Paris, Mille et une nuits, 2003, « La Petite collection », p. 19.

43 Jules Lermina, La Deux fois morte, Paris, Mille et une nuits, 2003, « La Petite collection », p. 21.

44 Jules Lermina, La Deux fois morte, Paris, Mille et une nuits, 2003, « La Petite collection », p. 70.

45 Jules Lermina, La Deux fois morte, Paris, Mille et une nuits, 2003, « La Petite collection », p. 73.

46 Jules Lermina, La Deux fois morte, Paris, Mille et une nuits, 2003, « La Petite collection », pp. 15-16.

47 Jules Lermina, La Deux fois morte, Paris, Mille et une nuits, 2003, « La Petite collection », p. 77.

48 Jules Lermina, La Deux fois morte, Paris, Mille et une nuits, 2003, « La Petite collection », p. 10.

49 Jules Lermina, La Science occulte. Magie pratique, Paris, E. Kohl, 1890, p. 261.

50 Jules Lermina, La Deux fois morte, Paris, Mille et une nuits, 2003, « La Petite collection », p. 11.

51 Charles Baudelaire, « Pourquoi la sculpture est ennuyeuse », Œuvres complètes, t. II, éd. Claude Pichois, Paris, Gallimard, 1986, « Bibliothèque de la Pléiade », p. 487.

52 Walter Benjamin, « L’œuvre d’art à l’ère de la reproductibilité technique », Œuvres, t. III, trad. fr. M. de Gandillac, R. Rochlitz, P. Rusch, Paris, Gallimard, 2000, « Folios essais », p. 274.

53 Jules Lermina, La Deux fois morte, Paris, Mille et une nuits, 2003, « La Petite collection », p. 80.

54 Jules Lermina, La Deux fois morte, Paris, Mille et une nuits, 2003, « La Petite collection », p. 12.

55 Jules Lermina, La Deux fois morte, Paris, Mille et une nuits, 2003, « La Petite collection », p. 38.

56 Jules Lermina, La Deux fois morte, Paris, Mille et une nuits, 2003, « La Petite collection », p. 29.

57 Jules Lermina, La Deux fois morte, Paris, Mille et une nuits, 2003, « La Petite collection », p. 30.

58 Jules Lermina, La Deux fois morte, Paris, Mille et une nuits, 2003, « La Petite collection », p. 57.

59 Jules Lermina, La Deux fois morte, Paris, Mille et une nuits, 2003, « La Petite collection », p. 15.

60 Jules Lermina, La Deux fois morte, Paris, Mille et une nuits, 2003, « La Petite collection », p. 70.

61 Jules Lermina, La Deux fois morte, Paris, Mille et une nuits, 2003, « La Petite collection », p. 9.

62 Le chapitre VI, qui relate l’arrivée du narrateur chez son ami, débute par une « réminiscence » qui le hante, celle de la « phrase glaciale d’Edgar Poe » qui ouvre La Chute de la Maison Usher. Jules Lermina, La Deux fois morte, Paris, Mille et une nuits, 2003, « La Petite collection », p. 28. Pour une étude stylistique du récit, voir Jean-Paul Colin, « Jules Lermina styliste : un audacieux conservateur ! », Le Rocambole, « Jules Lermina », n° 43/44, 2008, pp. 198-210.

63 Jules Lermina, « La Porte », Nouvelles histoires incroyables, Paris, A. Savine, 1888 ; rééd. Nathalie Prince, Petit musée des horreurs, Paris, Robert Laffont, 2008, « Bouquins », pp. 332-334.

64 Jules Lermina, « La Porte », in Nathalie Prince, Petit musée des horreurs, Paris, Robert Laffont, 2008, « Bouquins », p. 333.

65 Jules Lermina, « La Porte », in Nathalie Prince, Petit musée des horreurs, Paris, Robert Laffont, 2008, « Bouquins », p. 333.

Bibliographie

Textes de Jules Lermina

LERMINA Jules, Histoires incroyables, Paris, Louis Boulanger, 1885.

LERMINA Jules, Nouvelles histoires incroyables, Paris, Savine, 1888.

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LERMINA Jules, La Deux fois morte. Magie passionnelle, Paris, Chamuel, 1895 ; rééd. Paris, Mille et une nuits, notes et postface de Jérôme Solal, 2003, « La Petite collection ».

Autres textes cités

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Ouvrages critiques

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Pour citer cet article

Basile Pallas, « L’image revenante : la photographie dans La Deux fois morte de Jules Lermina », paru dans Loxias, 62., mis en ligne le 09 septembre 2018, URL : http://revel.unice.fr/loxias/index.html?id=9005.

Auteurs

Basile Pallas

Docteur en littératures française et comparée, Basile Pallas a soutenu en 2017 une thèse intitulée « De la vue au regard. Littérature et photographies au XIXe siècle » dans laquelle il analyse la manière dont de nombreux textes et récits proposent une réflexion sur le mythe de l’image vraie véhiculé par la photographie, devenant ainsi des espaces critiques révélant toutes les aberrations de l’image ainsi que le potentiel poétique qu’elles découvrent. Ses recherches portent de façon générale sur les rapports qu’entretient la littérature avec les images au XIXe siècle.