herméneutique dans Loxias
Articles
Loxias | Loxias 26 | Doctoriales VI
Mémoires d’Hadrien, une entreprise herméneutique. Étude sur Carnets de notes
Autobiographie imaginaire relatant la vie de l’empereur Hadrien, Mémoires d’Hadrien, bien que rédigé par Marguerite Yourcenar, est assumé par le « je » narrateur de ce personnage historique. Le roman se présente sous la forme d’une lettre adressée à Marc Aurèle, son successeur, où il passe en revue sa jeunesse, ses actions politiques, sa gloire, ses méditations, son amour pour le jeune Grec Antinoüs. Soutenue par un immense travail de documentation, cette entreprise représente pour la romancière un effort pour reconstituer toute une époque historique. Le problème qui se pose alors pour Marguerite Yourcenar, c’est de savoir comment interpréter les traces de ce temps révolu, comment le saisir. Le « je » qu’elle attribue à Hadrien apparaît comme une tentative pour réduire cette distance afin de reconstituer l’histoire « du dedans ». Dans cet article on montrera que toute une herméneutique est en jeu dans ce processus d’interprétation du passé.
Loxias | Loxias 29 | I. | 2. Expériences
Narcisse traducteur ? Sur une joie technique à l’égard des fragments présocratiques
Le fragment est tenu, culturellement, pour le régime quasi ontologique de la pensée naissante bien qu’il soit, esthétiquement, une invention romantique, et, historiquement, l’expression seulement résiduelle d’une littérature. La réception et les traductions d’Héraclite, cas extrême de fragmentation parmi ceux qu’on nomme les Présocratiques, permet de mesurer l’ampleur de l’aubaine que constitue un texte désintégré (troué ou fragmentaire), qui s’offre à la cristallisation réjouissante du lecteur. Le traducteur profite ici de la situation, même si sa jouissance est précédée par le vertige de l’herméneute, qui a les coudées franches, carte en partie blanche pour se mirer. Amoureusement le traducteur s’empare d’une œuvre objectivement émiettée et trouée, qu’il fantasme et décrète parfaite, jusqu’au débordement et entretient ainsi de son ardeur interprétative. L’inflation exégétique que connaît l’œuvre d’Héraclite conduit à douter parfois, non de l’attention généreuse du passeur qu’est le traducteur, mais de la maîtrise – qu’on aimerait lui reconnaître – de sa passion herméneutique.
Loxias | Loxias 34 | Doctoriales VIII
Le non-dit dans Point de Lendemain
Le « Non-dit dans Point de Lendemain de Vivant Denon » se propose d’étudier le jeu herméneutique auquel l’œuvre nous invite dès l’épigraphe empruntée à la Seconde épître aux Corinthiens de Saint Paul : « La lettre tue et l’esprit vivifie ». Cette épigraphe se présente comme le modèle interprétatif du texte, dont les significations multiples sont moins à rechercher dans ce que la « lettre » exprime que dans les silences qu’il appartient à « l’esprit » du lecteur de combler. Une énonciation subtile se met en place où le narrateur désolidarisé du personnage ingénu laisse des indices qu’il appartient au lecteur de retrouver. L’article étudiera tout particulièrement le rôle de la Comtesse de…, rôle voilé mais néanmoins central puisque son absence dans l’action du récit est contrebalancée par son omniprésence dans le discours des protagonistes, de sorte qu’elle apparaît comme le lien érotique indispensable entre eux. Et si le secret du jeu libertin était moins à rechercher dans le verbe séducteur que dans les silences du texte ? « The Unspoken in Point de Lendemain by Vivant Denon » examines the hermeneutic game that the story invites us to play from its very epigraph, taken from the Second Epistle of Paul to the Corinthians: « The letter kills, but the Spirit gives life ». This article advances the claim that the epigraph id a reader’s guide to the text, whose multiple meanings are to be sought not in what the text means, but rather in the textual silences the reader must interpret. By dissociating himself from the naïve protagonist, the narrator provides subtle clues that the reader must find. In particular, the article focuses on the role played by « la Comtesse de… » – a role at once veiled and nevertheless central – since her absence in the story’s action is counterbalanced by her omnipresence in the characters’ dialogues, in such a way that she becomes the necessary erotic link between them. What if the secret to the libertine game were to be sought not in its seductive discourse but rather in the silences of the text?
Loxias | 53. | I.
La muerte de Jesús en tres poetas latinoamericanos
Cet article étudie l’effet des constructions culturelles autour du récit de la mort de Jésus dans l’œuvre de trois poètes latinoaméricains : un poème de Roque Dalton, un conte de Hugo Mujica et un poème en prose de Pablo Montoya. Ces auteurs interprètent la tradition de ce personnage archétypal de la culture occidentale grâce à la création, suscitant de nouvelles questions. Le but ultime est une recherche du sens, se fondant sur la conception de l’herméneutique et de la conscience historico-effectuelle exposée par Gadamer dans Vérité et Méthode, selon laquelle les phénomènes culturels et leurs interprétations évoluent avec le temps et grâce à d’autres regards. Este artículo explora categoría hermenéutica de la historia efectual del relato de la muerte de Jesús en la obra de tres poetas latinoamericanos: Roque Dalton, Hugo Mujica y Pablo Montoya. Estos autores interpretan de una forma creativa de interpretar la tradición, generando nuevas preguntas sobre ella o ahondando en la preocupación última, la búsqueda de sentido, a partir de este personaje arquetípico de la cultura occidental.
Loxias | 55 (déc. 2016). | I.
« Qu’est-ce que le vide ? » L’ellipse dans Les Âmes fortes de Jean Giono
Avec Les Âmes fortes, Giono livre un roman particulièrement complexe, notamment en raison des versions contradictoires qu’il propose des mêmes événements, mais aussi à cause des silences du récit : des éléments essentiels à la compréhension sont livrés avec retard ou tout simplement tus. Nous nous penchons donc ici sur la figure structurante de l’ellipse, conçue comme le pendant formel d’une métaphysique du vide et de l’ennui. Alors que l’ellipse syntaxique, qui participe au travail de stylisation de l’oral, n’est que modérément remarquable, les types que nous appelons ellipse logique et ellipse informationnelle, ainsi que l’ellipse narrative et sa variante la paralipse, constituent d’authentiques béances qui mettent le lecteur en demeure de tenter de reconstituer, par une inlassable activité inférentielle, la cohérence locale et globale, parfois sans succès. De ce travail peut naître le sentiment du sublime – ou bien l’impression d’être sans cesse floué et moqué par un texte qui refléterait ironiquement le mystère des événements et des caractères. Enfin, l’ellipse progressive du focalisateur (le sujet du point de vue), dans un roman pourtant dialogué, signe une paradoxale vaporisation du sujet, qui compromet les chances de l’activité herméneutique même.